dimanche 23 septembre 2012

Jeu d'enseignes

Comme un rébus géant ou un jeu de piste qui conduirait le passant des "Gelaterias" aux "Pasticcerias", des cocktails bars inchangés, depuis que la Riviera est la Riviera, aux hôtels surannés : Metropole, Imperiale, Regina, Lido... Les Italiens ont, entre autres, l'art des enseignes en relief. 
Et comme leur conservatisme le dispute à leur nostalgie, les lidos de la côte Ligure restent ponctués de ces vestiges graphiques et évocateurs qui semblent se répondre les uns aux autres...













Crédit photos // SLAVIA VINTAGE

lundi 17 septembre 2012

Etreintes brisées

Lanzarote est une île d'une beauté naturelle et sauvage. Le réalisateur Pedro Almodovar, sensible au mystère dégageant de ses paysages, en fut captivé, dés son premier séjour. 

Un petit incident sera d'ailleurs l'un des déclencheurs de l'intrigue d'«Etreintes brisées" (basé sur un roman de Thierry Jonquet)Almodovar, subjugué par la plage du Golfe, prend une photo de ce paysage grandiose sans s'apercevoir de la présence d'un couple s'embrassant dans la plage de sable noir au-dessous de lui. Il les découvrira en développant le film, minuscule grain de sable au milieu de cette nature impressionnante. Et il se prend à imaginer l'histoire se cachant sous cette étreinte … 



Scène du film "Abrazos rotos" diffusé en mars 2009 Espagne
 Réalisateur Pedro Almodovar  Production El Deseo







Des années plus tard, les personnages principaux d' "Étreintes brisées", Lena et Mateo, se retrouvent à la même place que Pedro Almodovar, en haut de la falaise surplombant la plage du Golfe. Mateo prend des photos tandis que Lena le serre très fort contre lui. A cet instant même, sans qu'ils s'en aperçoivent, un autre couple s'embrasse à son tour. En découvrant la photo, Lena et Mateo sont touchés par leur image: ils voient en eux le reflet de leur propre histoire, celui d'un couple d'amants cherchant à se libérer des attaches et de l'emprise d'un homme jaloux et violent...Car c'est pour échapper au mari possessif de Lena, qu'ils se sont réfugiés si loin de la capitale, à Famara, au nord de Lanzarote. 

Entre les falaises et la longue plage allant jusqu'au village de La Caleta,  se trouve leur bungalow, à l'abri des regards et du vent. C'est dans une de ses villas, que j'ai passé quelques jours, pour suivre leurs pas mais aussi découvrir cette île volcanique qui n'a cessé de me rappeler par la tonalité de ses terres les céramiques des années 60-70. Poteries aux couleurs de feu et de lave








C'est dans un de ces bungalows où, serrés l'un contre l'autre, Lena et Mateo visionnent «Voyage en Italie»: Ingrid Bergman et George Sanders visitent Pompei et des archéologues trouvent les corps d'un homme et d'une femme figés par la lave, enlacés pour toujours. 

Pour immortaliser leur amour, Mateo active la fonction automatique de son appareil et serre Lena contre lui. Tous les deux regardent fixement la caméra. 

Mais, contrairement à ce couple figé par la lave, leur étreinte ne sera pas éternelle. Leur photo sera déchirée en mille morceaux et surtout, un terrible accident aura lieu, sur l'île, à la Rotonda de Tahiche, sous la sculpture « El juguete del viento» de Cesar Manrique: Lena trouvera la mort sous cette structure métallique, de sphères et de cercles tournant et grinçant au gré du vent.

Cette mise en scène permet à Almodovar d'intégrer l'oeuvre de Cesar Manrique dans son récit et de lui rendre hommage : car cet artiste est indissociable de l'île de Lanzarote.




Scène du film "Abrazos rotos" diffusé en mars 2009 Espagne
 Réalisateur Pedro Almodovar  Production El Deseo



Comme Lena, Manrique sera saisi par la beauté des falaises et  de la lumière de Famara. Il deviendra son plus ferme défenseur (en s'opposant à la fureur destructrice des promoteurs) tant il aimait le silence et l'intensité de ses paysages nus. 

Et comme Lena, il perdra la vie dans un tragique accident de voiture, à Tahiche, tout près d'où se dresse le "Jouet du Vent". C'était il y a tout juste vingt ans, en septembre 1992. 












Crédit photos // SLAVIA VINTAGE


lundi 10 septembre 2012

Les bains de mer de la Corniche à Marseille


La Corniche de Marseille est tout, sauf une promenade maritime ordinaire. C'est un lieu où je me rends toute l'année pour respirer le vent du large, conjurer l'hiver ou goûter l'été... 

Point de palmiers d'importation comme sur la Côte azuréenne, peu de grands hôtels et aucun qui ait vu le moindre Lord anglais ou prince Russe en rupture de ban. A la place, le mélange étonnant offert par des belles Villas du XIXème, épargnées par les destructions et les promoteurs, des cabanons "grecs" cachés dans les anses, dissimulées aux regards, et des plages populaires façon La Goulette 1958.



Baptisée Corniche du Président Kennedy l'année de son assassinat, en 1963, ce balcon sur la Méditerranée longe la mer depuis la Plage des Catalans jusqu'aux plages du Prado aménagées dans les années 1990.
D'un côté, trône un édifice Art Déco de 1931, à la vocation râtée de Grand hôtel qui abrite, comme souvent à Marseille, des appartements à loyers modérés et un peu de l'âme du quartier.




De l'autre, la populeuse Plage des Catalans où se dresse le Cercle des Nageurs, véritable Institution dont l'histoire commence en 1921 et qui a fait sa place dans la géographie de Marseille en superposant, au fil du temps, des piscines d'eau de mer et des piscines artificielles, des solariums et un bassin Olympique. L'air de rien, le Cercle des Nageurs n'est autre que le lieu le plus VIP de Marseille : on n'y est admis que sur cooptation et la redevance annuelle nécessite quelques menus sacrifices!










En descendant la Corniche, on trouve plus loin l'Hôtel Peron, un établissement familial comme on en voit plus guère, qui évoque par sa façade Art Déco, le mirage d'un tourisme balnéaire aux allures cannoises. 


Plus avant, se dresse "le monument aux armes d'Orient et des Terres lointaines", tout un poème... Edifié en 1927, il rendait hommage à ces armées françaises perdues aux confins des Balkans et de la Mer Noire qui combattirent, pêle-mêle, les Ottomans, les Bulgares et les Bolcheviques, bien après qu'eût été signé l'armistice de 1918.








Lorsque la Corniche tourne en direction du Prado et des Goudes, tout au bout de la baie, le décor change, partagé entre villas cossues abritées de bougainvilliers, aux noms évocateurs (La Brise, Stellamare, Villa Gaby, Moncade) et quartiers de cabanons voués à la pêche ou au nautisme.










C'est là ma partie préférée, la mieux abritée... Principalement fréquentée de ces beaux Marseillais, solide sexagénaires bronzés plein de faconde qui ne rateraient pour rien au monde leur baignade matinale, leur plongée en mer ou les sardinades organisées par la société nautique de la Corniche.





Chaise La Piscine







Et là aussi où, dans un angle, se cache le Bar Savoy, décor de bric à brac recevant une clientèle éclectique assoiffée par le soleil, les ruelles escarpées... Difficile de savoir les heures d'ouverture...elles dépendent des régates en cours. Mais les jours de chance, on y boit une bière  pression très fraîche et on repose sa peau et ses yeux de cette lumière, qui fait pour moi l'unité de la Corniche: cette lumière crue, éblouissante de janvier à décembre, piquante lorsque s'en mêle le mistral et enivrante lorsque l'air est chaud et saturé de sel...

ADRESSES: 

Pizzeria L'Eau à la Bouche :le secret le moins bien gardé de la Corniche, mais des pizzas aux légumes et des glaces toujours délicieuses.






Crédit photos // SLAVIA VINTAGE