jeudi 29 novembre 2012

Le Boxeur polonais


Lorsque chez un bouquiniste d'Aix, j'ai attrapé au hasard le volume " El boxeador polaco", j'ai eu un sentiment familier : ce boxeur me rappelait celui d'un collage que j'avais trouvé il y a quelque temps, à Barcelone.

Il existe entre mon pays, l'Espagne, et deux de mes régions d'élection, l'Europe centrale et l'Amérique du Sud, des liens troublants... Gabriel Garcia Marquez a souvent parlé de ponts spirituels reliant la Mittel Europa et son propre continent. El Boxeador Polaco n'en est qu'une énième illustration. 


Ce recueil de longues nouvelles, né de la plume d'un écrivain guatémaltèque d'origine judéo-polonaise, Hector Halfon, conte notamment les aventures centre-américaines d'un pianiste Serbe, et évoque le mystérieux "boxeur polonais" auquel le grand-père du narrateur aurait dû la vie sauve à Auschwitz. 


L'existence de tels boxeurs, ayant joué leur survie à coups de poings, a inspiré plusieurs oeuvres. Tadeusz Pietrzykowski est à l'origine cette année, d'un ouvrage polonais :Le Boxeur d'Auschwitz, de Maria Bogacka. Mais c'est
Hertzko Haft qui figure sur la couverture d'El Boxeador Polaco, sur mon collage et dans une BD Le boxeur publiée récemment en français, début 2013, de Reinhard Kleist. Hertzko Haft survécut (longtemps) à la guerre et fit une carrière de professionnel aux Etats Unis. Voici quelques images pour l'évoquer...














Crédit photos // SLAVIA VINTAGE

samedi 24 novembre 2012

Bunker Palace Hotel

Hotel Praha. Sa silhouette épouse la crête d'une colline, au-dessus de la ville. Il se dit que pas un habitant sur dix ne sait comment y accéder. Je me suis perdue cent fois avant d'en trouver l'entrée... 

Il faut dire que lorsqu'il a été édifié en 1981, pour les apparatchiks du parti, il était interdit d'accès au citoyen lambda. Ce passé et son allure de bunker, m'ont fait d'ailleurs demander à un policier, si en dépit de la présence (manifeste) d'une conférence internationale, l'hôtel était bien ouvert au public? « Evidemment », me répond celui-ci. Les temps changent.

En pénétrant dans ses salons d’apparat, flanqués pour l'occasion de drapeaux de pays pas vraiment connus pour leurs vertus démocratiques, j'ai pourtant l''impression de descendre les marches du « Bunker Palace Hotel » d'Enki Bilal (sorti en 1989). Ce refuge pour une caste politique aux abois, qui perçoit ça et là les signes avant-coureurs de sa perte... 

Mais ici, entre les doubles cloisons de bois, les lustres de verre kitschissimes, les volées de marches de marbre et les longs couloirs de moquette verte, rien, absolument rien, ne semble avoir bougé. Surtout pas le visage impavide du serveur, clone certifié du policier méticuleux de « La Vie des Autres ». 

La faute sans doute à cette faune un rien inquiétante qui se presse autour des lourds canapés de cuir en d'impénétrables conciliabules... La faute peut-être aussi à l'intemporalité des courbes de cet édifice, égrénant 300 chambres et autant de terrasses (en trois strates ondulantes de béton) décor solennel de conférences, lieu de réception pour les délégations, si officiel et si authentiquement vintage.










Lampe Spoutnik Slavia Vintage








Crédit photos // SLAVIA VINTAGE


mardi 20 novembre 2012

Un air de famille: Mildred Pierce vs. Edward Hopper


Les années 30, Glendale, banlieue de Los Angeles : la Grande Dépression frappe les Etats Unis. C'est dans ce contexte historique que se déroule Mildred Pierce, le roman de James M. Cain. Ce best seller américain écrit à la fin des années 30, relate le parcours d'une mère au foyer et épouse trompée, qui à force de travail et d'obstination, fait face aux obstacles et à l'adversité pour assumer seule la charge de ses filles et se bâtir une nouvelle vie de femme moderne et autonome vis à vis des hommes.

C'est le récit de cette «self made woman» (de son combat pour s'affranchir de ses propres préjugés de classe) mais aussi et surtout, la relation d'amour toxique qu'elle entretient avec sa fille, la vénéneuse Veda, qui m'ont intéressée dans la série éponyme. Kate Winslet, toujours aussi juste, et Evan Rachel Wood (parfaite dans son rôle de jeune femme arrogante et capricieuse aux faux-airs de Vivien Leigh) y tiennent les rôles titres de Mildred et Veda.




Le long de 5 épisodes, le réalisateur Todd Haynes déploie avec émotion son récit et décortique les tensions et enjeux de cette ascension sociale aux accents de tragédie grecque. Le tout dans une mise en scène soignée qui est bien plus qu'une reconstitution minutieuse du Los Angeles des années 30. La version de Todd Haynes se veut intime, quasi psychanalytique : les décors (villas middle class, cafés Hollywoodiens, mansions de « style Tudor néo-provençal » pour paraphraser Ellroy) doivent servir à l'histoire et traduire les états d'âme de Mildred: son abattement, lorsqu'à la recherche d'un emploi, elle se réfugie esseulée dans un café, son isolement dans sa vie de banlieue et dans son propre mariage...

Si tout au long de la série, on a le sentiment de reconnaître des lieux et des ambiances, c'est que l'univers d'Edward Hopper s'y déploie, presque à chaque plan. Pourtant, le peintre fut inspiré principalement par les paysages urbains de la côte Est – la Pennsylvanie, notamment. Mais quoi de plus naturel que de faire appel à ce peintre de la vie quotidienne (stations service, enseignes publicitaires, bureaux...) et des mutations de la classe moyenne américaine des années 30, pour refléter à travers la succession de fortunes et d'infortunes de Mildred Pierce, le désarroi social et moral de toute une nation à l'arrivée de la Grande Dépression.

Voici quelques images de l'hommage de Todd Haynes à Edward Hopper, à sa peinture du silence, reflet de tensions et solitudes...



"Room in New York"
Edward Hopper




"Hotel room"
Edward Hopper




"Automat"
Edward Hopper




"Chop Suey" 
Edward Hopper




"Gas"
Edward Hopper




"First row orchestra"
Edward  Hopper


"

"Girlie Show"
Edward Hopper




"Office at night"
Edward Hopper



Compositions // SLAVIA VINTAGE

vendredi 16 novembre 2012

The Dark knights


J'ai trouvé. Trouvé ce qu'évoquent ces colosses urbains, ces Atlas aux muscles saillants portant sur leurs épaules le poids d'un édifice, gardant les portes et toisant de leur stature les passants occupés, depuis la corniche des immeubles des villes centre-européennes (surtout). Ils me font penser à des super-héros.
Certains, derrière les meurtrières de leurs masques de métal, une longue cape de pierre ou de béton flottant sur leurs épaules, font carrément songer à un Batman version 1900. D'autres, accroupis en équilibre sur un ornement, tiennent plus de Spiderman. D'autres enfin, parce qu'aux traits babyloniens ou africains, semblent sortis de l'imagination d'un auteur new-yorkais des années 1930, féru d'indigénisme Art Déco. Surtout, leur fonction est la même : vigies immobiles, solides et intimidantes. Ils surprennent le regard, rassérenent parfois. Et ont l'air d'avoir été là, toujours.














Crédit photos // SLAVIA VINTAGE

mardi 13 novembre 2012

Fanett & Quaker : étape design dans le Berkshire

L’automne est bel et bien arrivé et avec lui, l’envie de se réfugier dans une ambiance chaleureuse, auprès du feu. The Olde Bell est un lieu propice pour ce type d’évasion. Voici quelques photos d’un séjour dans le Berkshire qui m’a permis de mieux appréhender le travail de la designer d'intérieur anglaise Isle Crawford.

J'avais envie, depuis longtemps, de découvrir un de ses univers, toujours si personnels, mixant design actuel et mobilier populaire. Son talent : marier différentes sources d'inspiration et rénover les lieux tout en respectant leur âme. 






Cet hôtel est avant tout une auberge traditionnelle datant du XIème siècle avec ses poutres apparentes, ses cheminées et ses dalles en terre cuite. Naturellement, Isle Crawford puise une partie de son inspiration dans l’identité So British de cette institution : on y retrouve des références au monde de l’équitation (magnifiques banquettes du restaurant, scellées de lanières en cuir!), des épaisses couvertures en laine sur les lits, des rocking chairs où somnoler… 






… mais le tout est matiné d'une touche scandinave: murs aux différentes tonalités de gris, suspensions en bois (de cerf…), assiettes en étain, des chaises aux airs de Tapiovaara et des fourrures négligemment étalées ici et là. Mon coup de coeur : les différentes ré-interprétations de la chaise Quaker et de la chaise Fanett. 

Et pour sublimer le tout, des éclairages jouant avec l'ombre et la lumière, rappelant l'atmosphère des peintures hollandaises. Un lieu à part et intime... et une belle destination pour les fêtes à venir!




Pour le plaisir, quelques photos du restaurant du Grand Hotel de Stokholm Isle Crawford y marie, TOUJOURS avec style, les matières naturelles, en jouant avec les formes traditionnelles et en mixant les teintes "scandinaves" à des couleurs chaudes pour surprendre et apporter de l'éclat. Parfait!





mercredi 7 novembre 2012

Rubik's cube : architecture cubiste à Prague


Les Hongrois ont inventé le Rubik's cub, les Tchèques, le cubisme dans l'architecture! 










On est à Prague, au tournant des années 1910-1920 : la ville s'affranchit peu à peu de la tutelle autrichienne, notamment sur le terrain des arts décoratifs, où la Sécession viennoise imprime sa marque depuis la fin du XIXe, traduisant pour les artistes tchèques, une allégeance au pouvoir impérial. 

Dans ce contexte, les avants-gardes – toutes les avants-gardes, constituent une source d'inspiration, en même temps que d'indépendance. Parmi elles, le cubisme qui  représente une voie novatrice, incarnant une forme de modernité, à rebours du folklore dans lequel se complaisent à la même époque nombre de petites nations voisines.








Des architectes, en particulier, répondent présents et voient dans l' adaptation locale du cubisme,  un défi artistique et un défi au bon goût viennois. Josef Gocar, Josef Chochol et Pavel Janak – qui est aussi céramiste -, sont parmi les plus novateurs. 

Le premier édifie un grand magasin et un café dont les moindres détails suivent les principes du cubisme : des prismes décomposant et recomposant des surfaces planes. Quant à Josef Chochol, il dessine près du fleuve, plusieurs maisons d'habitation aux proportions et aux lignes parfaites, qui achèvent de placer définitivement la ville sur la carte de l'architecture moderne.

Contrairement à ce qui se passe à Paris ou Bruxelles, où le cubisme reste confiné dans les galeries, les efforts des architectes Tchèques, bien qu'éphémères, suffisent à rendre l'esthétique cubiste « grand public » : depuis lors, à travers l'art déco comme le graphisme socialiste d'après-guerre, celle-ci n'a cessé d'influencer le design d'objets usuels ou décoratifs (vaisselle, céramique, verrerie...). En voici quelques marques de fabrique








Crédit photos // SLAVIA VINTAGE
Céramiques du magasin KUBISTA à Prague